Vagabonderies entre intention et conversations
By Nils
- 5 minutes read - 946 wordsIl était une fois…
Au mois de février dernier, en une semaine, j’ai eu l’occasion d’animer une formation pour un client où nous avons abordé des fondamentaux de l’esprit agile, une réunion avec une communauté de Product Owners et une session de mentoring en groupe. Dans ces trois moments de partage, une chose est revenue : la communication entre les personnes, entre des groupes de personnes aux rôles différents. Et c’est la fréquence plus que le sujet qui m’a frappé.
Dans un cas, c’était une product designeuse qui s’étonnait du fait qu’un utilisateur soit obligé de s’authentifier à chaque fois sur chacune des nombreuses plateformes qui lui sont proposées. Son étonnement l’emportait, jusqu’à proposer une solution technique de développement mettant en jeu une base unique, etc…
Dans un autre, certains membres de la communauté des POs se voyaient comme les “mamans/papas des développeurs”.
Dans le dernier, une personne du marketing découvrait des aspects techniques du produit qu’elle ne soupçonnait pas.
Mes lectures du moment
Je ne suis pas surpris par ce sujet que je rencontre souvent, j’étais surpris par sa fréquence, parfois dans des contextes que je découvrai pour la première fois. Peut-être est-ce lié à mes lectures du moment (Conversations cruciales et Turn the ship around), peut-être suis-je plus en alerte sur ce sujet.
Le premier livre aborde le sujet des conversations où des opinions différentes sont exposées, où l’enjeu pour les personnes qui sont présentes est fort et où les émotions rentrent en jeu, ce sont ces conversations que les auteurs qualifient de cruciales. Il donne des outils pour mieux communiquer avec les autres, pour sortir du “Qui a raison ? Qui a tort ?”.
Le deuxième traite notamment de l’endroit de la prise de décision dans une organisation (dans le livre, il s’agit d’un sous-marin nucléaire de la marine américaine), de ce qu’entraîne cette réflexion, des échecs par lesquels l’équipage est passé et des succès qui ont été vécus.
Ouverture
Dans le cas de la product designeuse, elle imaginait sur un coin de sa table une solution technique qu’elle ne pourrait de toute façon pas mettre en place, au moins dans un premier temps par manque de compétences techniques et de droits d’accès. Elle s’invectivait contre l’équipe de développement qui avait codé sans imaginer qu’il y avait peut-être eu plusieurs équipes de développement impliquées, peut-être même plusieurs directions. Elle fut surprise par la question “As-tu été les voir pour en discuter ?” puis a imaginé qu’elle pourrait faire un “vis ma vie”. L’équipe ou les équipes impliquées n’ont jamais voulu créer une solution dont l’expérience utilisateur ne serait pas bonne. Il y a sans doute une intention commune qui anime ces équipes et cette product designeuse, quelle est-elle ? Comment peuvent-ils l’atteindre ? Qu’ont-ils en commun ?
Retour maintenant sur la communauté de product owners. Pendant une heure, seize product owners exposent leurs problématiques et essaient de trouver entre pairs des réponses, des pistes à explorer. J’anime la session, interviens peu sur les sujets et écoute. Et puis cette phrase “j’ai l’impression d’être leur maman”. Boum! Elle sort comme une plainte. Plusieurs product owners acquièsent de la tête et partagent ce sentiment. Je pose presque la même question qu’à la designeuse : “En as-tu discuté avec l’équipe ?”
- En ai-je discuté avec l’équipe ? Non. Comment leur dire ?
- Que tu n’es pas à l’aise avec cette situation ?
- Pourquoi pas. En mode CNV, en fait ?
- Tu essaies ?
- Oui, demain.
Enfin, lors d’une formation sur quelques fondamentaux agiles et produit avec un client, une personne du marketing découvre des aspects de sécurité sur leur produit phare, des aspects qu’elle ne soupçonnait, qu’elle a remis en cause à la première écoute, qu’elle a compris et approuvé après des explications des développeurs.
L’intention de ces deux personnes était d’avoir une plateforme fiable et sécurisée, pour l’une et l’autre cette vision ne se déclinait pas de la même façon. Le fait qu’une intention commune ait existé les a aidé à se parler et à comprendre les enjeux du marketing et de la DSI.
Lors de la rétrospective de chaque formation, je demande à ce que les participants adressent un merci à une autre personne et expliquent pourquoi. Cette personne a adressé son merci au lead dev qui lui a permis de mieux comprendre d’autres sous-jacents du produit.
Fenêtre de Johari
Ce n’est qu’à la reprise de l’écriture de cet article que j’ai repensé à la fenêtre de Johari, ce modèle qui nous explique qu’il existe 4 espaces:
- un espace public, connu de soi et des autres,
- un espace caché, connu de soi et inconnu des autres,
- un espace aveugle, connu des autres et inconnu pour soi,
- et un espace inconnu, inconnu de tout le monde.
Partager son espace caché entraîne l’interlocuteur a partagé le sien, l’espace aveugle. Ce qui contribue à agrandir l’espace public, celui connu de tous et donc à réduire l’espace inconnu.
Trouver une intention commune
Notre cerveau n’est pas prévu pour dialoguer, entrer en contact avec autrui. Quand il sent le danger, la partie reptilienne prend le dessus et nous fait fuire ou attaquer. Ce n’est pas de moi, ce sont Kerry Patterson, Joseph Grenny, Ron Mcmillan, Al Switzler, les auteurs de Conversations cruciales qui le disent.
Trouver une intention commune est une façon d’agrandir l’espace public (défini par la fenêtre de Johari) et permet à toutes les parties prenantes de parler de quelque chose qui les relie, de s’accorder.
Faire la liste de ce qui réunit, plutôt que de faire la liste de ce qui oppose, amènera des conversations plus riches de partage, plus constructives. Des conversations qui engageront les personnes.